Piles et autres batteries usagées jetées anarchiquement : Ces objets utiles et dangereux

Les métaux lourds participent au fonctionnement des piles et bactéries. Après qu’elles sont hors d’usage, elles ne sont pas traitées comme il le faut, et constituent un danger pour l’homme et son environnement.

« C’est très dangereux. On se tue à petit coup »,regrette le Pr Placide Clédjo, géographe aménagiste, Maître conférence, enseignant à l’université d’Abomey-Calavi. Le professeur informe qu’il y des produits toxiques et de radioactivité dans les piles pendant qu’on les utilise pour avoir de l’énergie. Mais lorsque la pile s’affaiblisse, et qu’elle est jetée, la radioactivité est toujours là. La radioactivité, dit-il, ne connait pas les dalles, elle n’a pas de frontière, elle traverse même le sol et va directement vers la nappe phréatique. Si les uns en ont besoin pour qu’elles alimentent les lampes en énergie en cas de délestage, les piles pour d’autres sont utilisées pour bien d’autres raisons. Mais après usage, les utilisateurs s’en débarrassent et les jettent anarchiquement dans la nature. Landry Kimagnissè, utilisateurs et technicien du téléphone portable résident Godomey quartier Ayimèvo, reconnait jeter régulièrement les batteries usagées des téléphones portables dans la poubelle avec d’autres déchets. « Je sais qu’elles contiennent des produits toxiques, mais je n’ai pas autres endroits où les jeter », se confesse-t-il. Cette affirmation de Landry est confirmée par Armand, Président de l’Ong CIDSAM, collecteur de déchets ménagers à Godomey, quartier Ayimèvo. « Nous voyons souvent les piles dans les ordures que nous collectons, mais nous n’avons pas d’autres choix que de les jeter au même endroit que les autres ordures », a confié Armand. Les ordures dont parlent Armand sont jetées sur la berge et dans bas-fond de la lagune de Djonou, non loin du pont de Godomey, à Houédonou. Comme métaux lourds, les piles et batteries contiennent, le cadmium, le cuivre, le lithium, le manganèse, le mercure, le nickel, le plomb, le zinc pour ce citer que ceux-là. Ces éléments répandent des particules nocives dans l’atmosphère et contaminent le sol.

Quand l’eau est polluée

Wabi Marcos, ingénieur d’Etat en génie de l’environnement, Chef service de prévention des pollutions au Ministère de l’environnement de l’habitat et de l’urbanisme (Mehu), à la direction générale de l’environnement, tire sur la sonnette d’alarme et déclare que les piles et batteries sont classées parmi les déchets dangereux. C’est pourquoi le Pr Clédjo pense que les piles et batteries, après usage ne doivent pas être jetées n’importe où. Pour lui, il faut mettre ces déchets à part. C’est ce que conseille Rolande Kouton, Chef service environnement à la Mairie d’Abomey-Calavi. Elle soutient que les piles ne doivent pas être mélangées aux ordures ménagères pour éviter qu’ils soient traités au même titre les déchets biodégradables. Or, il est très fréquent de voir certaines structures de pré collecte des ordures ménagères, les jeter dans les bas-fonds, ignorant les conséquences. Dans cet arrondissement de la commune d’Abomey-Calavi, les ordures ménagères sont jetées dans les bas-fonds, faute de point de regroupement. Une fois dans la nature, selon Joséa Dossou-Bodjrènou, Directeur de l’Ong Nature tropicale, dont le siège est Yagbé, à Akpakpa, ces produits dangereux peuvent se retrouver dans un cours d’eau où on va pêcher les poissons vendus dans les marchés. Lorsque la radioactivité, informe le Pr Clédjo  « atteint l’eau qu’on boit, il se pose un problème de santé. La radioactivité c’est un élément qui traverse facilement le corps et agit sur l’organisme. Lorsqu’elle entre en contact avec le sang, ça peut évoluer vers le cancer ». Les métaux lourds que contiennent ces déchets dangereux, après dégradation, pourraient se retrouver dans un terreau utilisé pour la production des légumes vendus sur les marchés. Dans ce cas, c’est des légumes pollués qui sont copieusement préparés et dégustés avec appétit. La contamination est générale et n’épargne personne. Ne sachant pas le risque qu’elles courent, certaines personnes enterrent les piles. D’autres les jettent dans les latrines et les utilisateurs inhalent l’odeur avec les polluants. Il se pose là aussi un problème de santé.

La nappe phréatique affleure

Au sud du Bénin, à Cotonou par exemple où la nappe phréatique affleure le sol, quand il pleut, l’eau coule sur ces piles enterrées et elles se dégradent au bout d’un certain temps. Les éléments dangereux s’infiltrent dans le sable et se retrouvent dans l’eau. Celui qui fait un forage, et tire l’eau pour la consommation s’intoxique. Et il y a des victimes à cours moyen long terme. Raison pour laquelle le Directeur de l’Ong Nature tropicale demande « de prendre conscience que ces produits sont dangereux, et savoir le comportement que nous devons avoir vis-à-vis d’eux ». Une pile bouton, contenant du mercure jetée dans la nature, pollue 1m3 de terre et 1000m3 d’eau pendant 50 ans. C’est alors évident que ces piles jetées anarchiquement contaminent la nappe phréatique. Marcos Wabi, informe que des études faites à l’université d’Abomey-Calavi, ont montré qu’au niveau des poissons et autres produits halieutiques, il y a des taux anormalement élevés des métaux lourds tels que le mercure, le plomb etc. Ces produits s’accumulent dans leur organisme. Et quand ça passe des poissons à l’homme, ces métaux lourds viennent s’accumuler dans l’organisme humain. Confirmant cela, le Pr Clédjo ajoute que quand la pile est jetée dans l’eau, automatiquement la radioactivité va atteindre les protéines qu’on consomme. « Ça veut dire que tout ce que nous pensons faire de mauvais pour la nature, nous nous sommes indirectement en train de nous faire du mal, parce que tout ce que nous rejetons dans la nature nous revient », selon Marcos Wabi.

Des comportements à risque

Pendant que l’homme doit se méfier des déchets dangereux, les arbres peuvent sans risque utiliser la serve d’un milieu pollué. Expliquant le phénomène, le Pr Clédjo fait savoir que l’arbre puise l’eau avec les éléments toxiques de radioactivité. Ces éléments toxiques n’ont pas de conséquences sur l’arbre, il se développe bien, mais peut jouer sur le fruit quand c’est consommer, il y a des impacts de façon indirecte sur celui qui consomme ce fruit. De façon directe ou indirecte, les piles et autres batteries ont des conséquences sur l’homme. Les piles et batteries des portables sont côtoyées quotidiennement. Pour les télécommandes, il n’est pas rare de constater que les piles coulent avant qu’elles ne soient changées. Même si on les enlève avec des pincettes, il y a toujours un risque de se faire intoxiquer sans se rendre compte. Après ce geste, on oublie souvent et on va chercher un pain ou quelque chose qu’on consomme. Au regard de ce geste, le Directeur de l’Ong Nature tropicale conseille de ne pas laisser les piles pourries dans les télécommandes, et les torches avant de les enlever.

La question de recyclage

« J’ai regroupé 4 tonnes de piles. Quand j’ai pris contact avec les américains qui sont venu voir, ils m’ont dit qu’au moment où il yaura une quantité suffisante avec la possibilité d’en avoir davantage, qu’ils peuvent installer une usine pour le recyclage », a dit Joséa Dossou-Bodjrènou. Le problème de recyclage se pose. Et pour le résoudre, il faut être sûr d’avoir une quantité capable de faire tourner une usine. Ces 4 tonnes de piles, l’Ong Nature tropicale est contrainte de les garder jusqu’au moment où la solution de recyclage sera à portée de main. Interroger sur la question de collecte des piles pour le recyclage, les revendeuses de piles s’en soucient guère. Or, elles devraient prendre une part active dans ce processus pour la collecte des piles usagées. Comme l’Ong Nature Tropicale qui se bat pour la protection de la nature, en récupérant ces déchets dangereux, d’autres personnes ont également compris qu’il ne faut pas jeter les piles et batteries des portables dans la nature au risque de polluer l’environnement. C’est le cas de Brice K. géographe de formation. Il a déclaré garder des piles qu’il utilise dans un plastique dans sa maison. Et c’est ce que conseille le Pr Placide Clédjo. A ces dires, il faut garder les piles dans un plastique à un endroit aéré. Il faut par la suite se renseigner et les acheminer à des endroits appropriés pour qu’elles soient détruites dans les normes. Il est nécessaire de donner une nouvelle impulsion à la récupération des piles et batteries. Une telle ambition repose sur la participation de tous, entreprises et particuliers, industriels et pouvoirs publics. Ce ne serait pas oser d’envisager une approche régionale pour espérer avoir de la matière première pour faire tourner une usine de recyclage. Puisque le monde actuel est celui de recyclage, il faut donner de priorité à ce projet. Joséa Dossou-Bodjrènou s’inscrit parfaitement dans cette logique. Il pense qu’un téléphone portable mis hors d’usage, a des composantes qui ne sont pas gâtées. Et puisque les matières premières s’amenuisent, le Directeur de l’Ong Nature tropicale pense qu’il y a des composantes qui peuvent être toujours réutilisées pour avoir un nouveau portable. La même stratégie peut être exploitée pour les piles, batteries des téléphones portables, et même des ordinateurs. Dans une pile, il y a le plomb, le mercure, le fer… Tout ça peut être réutilisé pour fabriquer d’autres piles ou d’autres produits. Car a-t-il laissé entendre, un produit recyclé c’est une partie de la protection de l’environnement qui est engagée.

Par Patrice SOGLO

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